Homélie du 3e dimanche de l’avent – frère Bernard Durel – 13 décembre 2020

Frères et sœurs,

l’écoute de notre deuxième lecture a été préparée par l’antienne d’ouverture de cette célébration du 3ème dimanche d’Avent qui résonne comme un coup de trompette intempestif, une pure provocation : «  Soyez dans la joie du Seigneur, soyez toujours dans la joie. Le Seigneur est proche.»(Ph. 4). S’il y a un mot largement banni chez beaucoup depuis des mois d’inquiétudes multiples – inquiétude particulièrement sensible, alors que nous sommes sensés entrer dans ce temps, toujours festif et joyeux, de Noël- eh bien, c’est justement le mot joie. En écrivant à ses chers Philippiens ou à ses chers Thessaloniciens il y a 2000 ans, Paul s’adressait à des frères et des sœurs en Christ qui traversaient, tout comme nous, de grandes épreuves aussi bien dans leur vie personnelle que dans la cité. Êtres humains enracinés dans le quotidien de Philippe, de Thessalonique, les inquiétudes, les angoisses ne leur manquaient pas. Paul lui-même évoque souvent ses épreuves- persécution, prison, bastonnade, naufrage ( et j’en passe!).

On m’a fait remarquer ces dernières années que souvent en m’adressant à des compagnons et compagnes de route, je répète : Nous sommes bien équipés pour nos traversées de ces temps difficiles. Paul l’écrit -sans vouloir faire de la provocation : «  Frères soyez toujours dans la joie ! » Et le voilà qui pointe justement les équipements,l’attitude juste à avoir : « Priez sans relâche. Rendez grâce en toute circonstance. N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas la prophétie, mais discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien gardez-le. Éloignez vous de toute espèce de mal. » En ces temps de confusion , de complots envahissants, de multiples rumeurs, on ne saurait mieux dire. Notre Pape jésuite y insiste presque chaque jour : c’est l’heure du discernement ; « Ce qui est bien, gardez-le ! » Confiance, l’Esprit ne nous fera pas défaut.

Nous sommes appelés à cela avec tout nous-mêmes, à chaque instant. Joie ! « Le Dieu de la paix lui-même nous sanctifie tout entiers. » Il précise : « Que votre esprit, votre âme et votre corps (vous -même dans toutes vos dimensions) soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur ».

Car il vient, non pas dans un avenir vague et problématique auquel s’intéressent les nombreuses formes de futurologie qui nous sont proposées, mais ici et maintenant tout comme le dit très concrètement Isaïe – et Jésus partira de ces mêmes paroles dans la synagogue de la bourgade de son enfance à Nazareth- : « Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance…proclamer une année de grâce. » Et Isaïe de conclure (et Jésus avec lui) : «  Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. » Et Isaïe d’illustrer cette joie par deux grandes images qui nous rejoignent au cœur de notre hiver : le printemps et l’expérience des jeunes mariés à la noce.

Joie que tout commence : il vient !

Ici, une parole ne me quitte plus, celle du prêtre russe Alexandre Men, la veille de son assassinat à Moscou en 1990 : «  le Christianisme ne fait que commencer ». Il est commencement.

J’en viens à notre évangile. Au fond la situation, la posture de Jean le Baptiste sont aussi les nôtres : « Cet homme n’était pas la lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la lumière. »

Sa démarche de témoin rejoint notre humble vocation à discerner : « Je baptiste dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. Il vient derrière moi. Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. » Tel est le rôle du témoin (en grec : le martyr) : inviter à l’attention soutenue. Comme Jean Baptiste il appelle à reconnaître que le désert – et nous y sommes, ô combien, est habité.

C’est ce que nous proposait un journaliste, il y a quelques jours : «  garder en soi ce qui fait d’un être empêché, une femme, un homme, un être vivant, un humain comblé par la grâce et la félicité. »1

Soeur, frère, cher ami, aux heures où le chemin de la joie est quelque peu encombré, n’oublions pas que Jésus pose son regard sur chacune, chacun, sur nous tous, qui attendons sa venue et dit : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu.(Luc 10,24).

Oui, nous sommes des privilégiés.

Notre Pape François nous redit cela de sa façon simple et concrète (Laudato Si n°226) : «  Nous parlons d’une attitude du cœur, qui vit tout avec une attention sereine, qui sait être pleinement présent à quelqu’un sans penser à ce qui vient après, qui se livre à tout moment comme un don divin qui doit être pleinement vécu. Jésus nous enseignait cette attitude quand il invitait à regarder les lys des champs et les oiseaux du ciel, ou quand en présence d’un homme inquiet « il fixa sur lui son regard et l’aima » (Mc 10,21). Il était pleinement présent à chaque être humain et à chaque créature et il nous a ainsi montré un chemin pour surmonter l’anxiété maladive qui nous rend superficiels, agressifs et consommateurs effrénés…

Donc : Joyeux Noël, Naissance, Nativité, en toute et belle gratitude !

1G. de Fonclave la Croix 7/11/20

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