Homélie de la Toussaint – fr Jean-Baptiste Régis – 1er novembre 2020

Lectures : Ap 7, 2-4.9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

Voilà bien notre actualité. Trois nouveaux noms viennent de s’ajouter à la foule que décrit l’apocalypse, la foule de tous ceux qui ont blanchi leur robe dans le sang de l’agneau. Cette actualité choquante nous questionne. Jésus nous annonce le bonheur. Faut-il se résigner et l’attendre dans un monde futur, ou bien le recevoir dès maintenant ?

En venant prier dans la basilique Notre-Dame de Nice, les personnes, victimes de l’attentat, étaient loin d’être résignées. Au contraire, elles témoignaient du désir et de la joie d’être uni à Dieu, d’être en relation avec lui, et de vivre de son salut. Sinon, elles ne seraient pas venues prier. Et ce ne serait pas leur faire hommage que de nous résigner.

Les béatitudes que nous venons d’entendre ne sont pas seulement une promesse pour un monde futur, mais une proclamation de salut à vivre aujourd’hui. Ce sont les premières paroles de l’enseignement de Jésus. Et comme toute première parole de Dieu, elles ont une action créatrice. Au commencement, Jésus insuffle dans ses disciples un élan de bonheur. Heureux êtes-vous ! Soyez dans l’allégresse. C’est la volonté éternelle de Dieu qui se réalise dans la proclamation de cette parole.

Comment alors vivre ce bonheur aujourd’hui ? Je crois que ce bonheur n’est pas une théorie, ni une petite philosophie de vie. Il se laisse découvrir dans la relation que Dieu établit avec nous. Les béatitudes sont autant de facettes de la relation que Dieu nous offre. Dieu n’est-il pas ce pauvre de cœur qui nous aime en toute simplicité et en toute vérité ? Dieu n’est-il pas celui qui pleure pour nous à cause de nos malheurs, de nos souffrances, de nos péchés ? Dieu n’est-il pas le doux et miséricordieux dont la délicatesse touche tous ceux qui l’écoutent ? Dieu n’est-il pas l’artisan de paix qui remet de l’ordre dans nos vies ? Dieu n’est-il pas cet affamé et assoiffé de justice qui attend de nous une réponse à son amour ? Et en tout cela, Dieu trouve sa joie !

Pour vivre le bonheur proclamé par Dieu, il faut avant tout le vivre avec lui dans l’intimité de notre cœur pour le manifester aux autres. C’est dans l’expérience de la joie de Dieu en nous que nous pourrons à notre tour vivre la joie du Royaume des Cieux et en rayonner. L’expérience de cette joie de Dieu aux multiples facettes devient en nous source de joie pour les autres.

Le témoignage de la multitude des saints et des saintes qui ont vécu activement les béatitudes nous montre, je crois, que la sainteté n’est pas autre chose qu’une ouverture habituelle, constante et nourrie à Dieu. Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, dit saint Paul. Et nous lui serons semblables quand nous le verrons tel qu’il est. La sainteté est le déploiement tout au long de notre vie de notre relation à Dieu : depuis la création jusqu’à notre divinisation. Et cette sainteté est source de joie. C’est la joie vécue en communion avec Dieu, avec tous les saints du ciel et avec tous nos frères et sœurs, joie vécue y compris dans les contraintes, les exigences et les pauvretés du moment présent.

Henri Le Saux, ce moins bénédictin français qui est parti en Inde dans les années 50 pour vivre la rencontre du christianisme et de l’hindouisme, écrivait, dans une lettre adressée à sa sœur : « Comment faire pour être saint ? Je réponds régulièrement : comment faire pour ne pas l’être ? Pour cela, il faut qu’on oublie ce que l’on est ».

Voici ce que nous sommes : des êtres créés par Dieu, unis à lui, remplis de sa présence, et participant à sa joie. Que tous les saints du ciel nous aident en avoir conscience !

fr Jean-Baptiste O.P.

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